Comment fonctionne le partenariat entre « Le Monde » et Facebook sur les fausses nouvelles
Notre rédaction est, comme plusieurs autres médias français et internationaux, partenaire de la plateforme pour vérifier des informations qui en sont issues. Voici en quoi consiste ce partenariat.
La prolifération des fausses informations sur les réseaux sociaux pendant la présidentielle américaine de 2016 a mis en lumière la vulnérabilité des plateformes face aux campagnes de désinformation. C’est dans ce contexte, à peine un mois après la victoire de Donald Trump, que Facebook a mis en place aux Etats-Unis un système permettant à ses utilisateurs de signaler des informations douteuses, vérifiées ensuite par des médias partenaires. Une manière de répondre aux critiques sur sa passivité, voire son irresponsabilité face au phénomène.
Le Monde s’est engagé de longue date dans un travail global de lutte contre les fausses informations. Combat qui se traduit notamment par le travail de vérification des faits portés par Les Décodeurs, par le lancement, début 2017, du Décodex, notre série d’outils pour aider nos lecteurs à vérifier eux-mêmes l’information ou encore par l’engagement de journalistes de la rédaction pour l’éducation aux médias et à l’information, dans l’association Entre les lignes.
Ce travail de vérification nécessite de s’adresser au plus grand nombre, à commencer par les utilisateurs des réseaux sociaux comme Facebook, premiers lieux de circulation des rumeurs. Le Monde, comme plusieurs autres médias français dont Libération ou l’AFP, s’est allié à la plateforme lorsque son outil contre les fausses informations a été mis en place en France, en février 2017, pour essayer de toucher un public qui dépasse le cercle de ses lecteurs. D’abord bénévole, ce partenariat est rémunéré depuis quelques mois.
Parce qu’il s’agit d’une expérimentation, le fonctionnement de cet outil a évolué à plusieurs reprises depuis son lancement. Voici en quoi il consiste dans sa version actuelle, en janvier 2018.
Comment fonctionne l’outil de Facebook
L’entreprise donne accès aux médias partenaires à un fil d’articles signalés comme « suspects », issus des signalements d’internautes ou repérés par les algorithmes de la plateforme. On y trouve chaque jour des dizaines de nouveaux contenus de toutes sortes. Certains émanent de médias traditionnels, y compris du Monde, d’autres de sources diverses et variées.
Les médias partenaires peuvent ensuite examiner ces contenus et peuvent donner une des appréciations suivantes pour chacun d’entre eux :
« Vrai », lorsqu’il s’agit d’une information avérée dans les grandes lignes ;
« Faux » , pour les articles dont l’information principale est fausse ;
« Mélange » , lorsque l’article contient de fausses informations, mais que l’information principale est correcte ;
« Non éligible », lorsqu’il est possible d’apporter des précisions concernant un article, sans se prononcer sur sa véracité.
Lorsqu’un article a été signalé comme « faux » par un média partenaire de Facebook, la plateforme envoie un message d’alerte à tout internaute souhaitant le partager pour le prévenir qu’il existe des articles en contestant le contenu, en lui proposant de les lire.
Par ailleurs, la plateforme dit réduire nettement la visibilité des contenus signalés comme « faux », et dans une moindre mesure celle des articles labellisés « mélange ».
Comment le travail des Décodeurs alimente cet outil
Près d’un an après le début de ce partenariat avec Facebook, nous avons examiné des milliers d’articles dans le cadre de celui-ci et évalué des centaines d’entre eux. A chaque fois que nous avons indiqué une appréciation sur la véracité des informations contenues dans un article, nous avons étayé celle-ci par un article publié dans la rubrique de vérification des faits des Décodeurs du Monde ; ce travail est consultable par chacun en remontant le fil de notre rubrique ou en parcourant notre annuaire recensant les fausses informations qui circulent en ligne.
Ce sont ces liens que Facebook invite à lire lorsqu’un internaute veut partager un contenu signalé comme « faux ». Dans les autres cas, les contenus que nous proposons peuvent être mis en avant sous les articles en question sur Facebook, pour proposer à leurs lecteurs des informations complémentaires.
Dans l’écrasante majorité des cas, les articles que Facebook nous signale contiennent des informations que nous avons déjà vérifiées. Plusieurs articles peuvent, en revanche, faire circuler une même fausse information, et il arrive donc fréquemment que la plateforme nous signale d’autres articles reprenant une intox que nous avons démentie. En cela, ce travail enrichit celui que nous faisions déjà au quotidien dans le cadre du Décodex.
Il arrive tout de même aussi que des articles comportant des faits que nous n’avions pas vérifiés au préalable soient proposés dans la liste des articles soumis par Facebook. Souvent, il s’agit d’informations non mensongères. Parfois, il s’agit bien d’affirmations erronées, auquel cas nous rédigeons un article ou une brève explicative lorsque nous le jugeons utile.
Un travail rémunéré par Facebook
Lors de la phase d’expérimentation de l’outil, au cours de ses premiers mois, Facebook nous signalait un nombre limité de contenus douteux. Désormais, leur examen prend un temps considérable, et nécessite de s’appuyer sur des centaines d’articles publiés par Les Décodeurs au fil des mois. Ce travail est effectué avec la même exigence que l’ensemble des publications du Monde et il nous engage tout autant, y compris juridiquement.
Facebook n’est pas une rédaction et ne dispose pas des compétences en interne pour effectuer le travail de vérifications des faits. La plateforme fait donc appel à des médias partenaires, dont Le Monde, qu’elle rétribue pour ce travail. Nous sommes membres de ce dispositif, mais il s’agit encore, de notre point de vue, d’une expérimentation et cette participation pourra évoluer dans les mois à venir en fonction de ses évolutions et des résultats concrets qu’elle aura permis d’obtenir ou non.
Ce partenariat n’entrave en rien notre indépendance éditoriale vis-à-vis de Facebook. Ces dernières semaines nous nous sommes notamment interrogés sur la pertinence ou non des efforts engagés par l’entreprise dans la lutte contre les fausses informations. A cette occasion nous avons signalé qu’il reste beaucoup à faire en la matière tant la plateforme reste vulnérable face à ce phénomène, comme nous l’écrivions dans le cadre d’une vaste enquête sur la question publiée fin décembre.