Ibn Khaldoun, un penseur dans l’islam

À l’instar d’Avicenne ou d’Averroès, Ibn Khaldoun est une référence dans le monde islamique. Né il y a 685 ans, le 27 mai 1332 à Tunis, cet historien innovant également précurseur des sciences sociales et penseur universel fit cohabiter dans son œuvre magistrale raison et religion. Seule ombre au tableau de cet humaniste à la pensée étonnement moderne : son rapport aux mondes africains qui, bien des siècles plus tard, ne laisse d’interroger.

Les mille et une vies d’Ibn Khaldoun
De l’Andalousie, berceau de sa famille, au Caire, où il meurt au début du XVe siècle, à la fin de l’âge d’or islamique, Ibn Khaldoun mènera une vie aussi dense et épaisse que sa production intellectuelle. Une vie marquée par les drames : des conflits permanents qui déchirèrent le monde musulman à son époque, en passant par la grande peste (qui emportera son père, sa mère et décima sa famille), jusqu’à des tragédies plus personnelles (sa femme et ses cinq filles périront dans le naufrage d’un navire qui les amenait à Alexandrie). Une vie dont on connait force détails, l’homme ayant pris soin de rédiger son autobiographie.

Sa vie à Tunis
Issue d’une puissante famille d’origine andalouse, Ibn Khaldoun fut à la fois un homme de savoir et de pouvoir. Doté d’une solide formation multidisciplinaire (en théologie, fondements du droit, grammaire et littérature), il se mit au service de princes maghrébins durant deux décennies. Il a tout juste 20 ans lorsqu’il quitte Tunis, appelé à la cour des Mérinides à Fès. Mais l’homme, déjà, est ambitieux. Il juge que le poste de secrétaire du Sultan qui lui est confié n’est pas à la hauteur de ses mérites, lui dont les ancêtres furent pour certains ministres ou diplomates. Il profite de son temps libre pour parfaire à l’université Al Quaraouiyine son éducation, initialement reçue à la Zitouna de Tunis où il reviendra plus tard comme professeur. Élève exceptionnellement doué, véritable bourreau de travail, il est très tôt reconnu pour ses talents de rationalisation et de mémorisation. À 30 ans, il est appelé en Andalousie, la terre de ses ancêtres, par le sultan de Grenade pour négocier avec succès un traité de paix entre le royaume Nasride et Pierre Ier, le roi de Castille.

Ibn Khaldoun, le diplomate
Son habileté voire sa ductibilité lui permettent d’exceller comme diplomate. Ce sont ces qualités qui lui permettront, tout au long de sa vie, de s’adapter au contexte politique très mouvant de son temps, en changeant souvent d’allégeance. Une question de survie à l’époque. Voyageur infatigable, Ibn Khaldoun repart vers le Maghreb, une région en proie à l’instabilité politique dont il sera le témoin et, à maintes reprises, la victime. Au point de devoir fuir vers l’Égypte des Mamelouks. Au Caire plus précisément, la plus grande ville du monde musulman où il vivra les 24 dernières années de sa vie et d’où il espère diffuser sa pensée. Après l’échec d’une mission diplomatique à Damas (ville sous-tutelle égyptienne à l’époque) auprès de Tamerlan, le redoutable guerrier turco-mongol qui conquit d’une grande partie de l’Asie centrale et occidentale, Ibn Khaldoun revient au Caire où il exerce la charge de Cadi malékite de la mosquée Al-Azhar. Il y meurt en 1406.
Une œuvre encyclopédique
Considéré comme l’un des plus grands penseurs en Islam, Ibn Khaldoun est l’auteur d’une œuvre monumentale qui rayonnera, des siècles plus tard, bien au-delà du monde musulman. Le Livre des exemples (ou Livre des considérations sur l’histoire des Arabes, des Persans et des Berbères), daté de 1375-1379, en est le joyau. Somme de connaissances sans nul autre pareil sur son époque et sur « tout ce qui concerne la civilisation », regroupé en sept tomes, il s’agit d’une œuvre considérable à laquelle personne n’a songé avant lui et qui transcende largement son époque. Le fruit d’une démarche quasi encyclopédique, quatre siècles avant celui des Lumières en Occident. Portant à l’origine sur l’histoire des Berbères, Ibn Khaldoun élargit finalement son champ d’étude pour embrasser une histoire plus universelle. Le tome I, le plus connu de tous, est la Muqaddima (Prolégomènes en français), qui se lit comme une préface théorique au Livre des exemples et que certains considèrent comme le premier essai de réflexion philosophique sur l’Histoire. Les tomes II à V retracent, eux, l’histoire de l’humanité jusqu’à l’époque de l’auteur. Enfin, les tomes VI et VII traitent de l’histoire des peuples berbères et du Maghreb. Au final, le texte livre une pensée très moderne et une réflexion profondément universelle. En effet, nombre des questions qu’Ibn Khaldoun s’est posées à l’époque, en particulier, sur la religion sont toujours d’actualité. La lecture du Livre des exemples permet ainsi de mieux comprendre la civilisation islamique en tant que composante de l’histoire universelle, travaillée elle aussi par des processus globaux.

Le Point Afrique

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