Zoom sur la commune du Ksar

Dans une série d’enquêtes de terrain sur les municipalités de Nouakchott, L’Agence Souhoufi Presse met en lumière l’avancement des travaux, les résultats obtenus, les obstacles et les défis.
Nous inaugurons ce reportage par la municipalité du Ksar, lieu où la capitale mauritanienne Nouakchott fut fondée.
Nous pénétrons dans les marchés et les quartiers populaires, posons des questions aux citoyens, visitons les bureaux de la municipalité et rencontrons le maire, le secrétaire général, les adjoints au maire, les conseillers et les employés. Nous discutons avec eux au sujet de la gestion et de la préparation des documents. Nous les interrogeons sur les résultats, les réalisations et les défis. Nous documentons leurs réponses et les publions dans les deux langues : Arabe et français, conformément aux principes de professionnalisme et de neutralité de L’Agence Souhoufi Presse et à son slogan : “Nous cherchons la vérité”.
Le dossier comprend des entretiens et des séances de dialogue – audio et vidéo – avec le maire, le secrétaire général, les conseillers municipaux et les employés.

vous pouvez télécharger le dossier au format PDF ici : Zoom sur la commune du Ksar
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  • 1 – Drapeau blanc

La commune du Ksar, est un petit bâtiment élégant dont la cour renferme une mosquée à côté de laquelle se trouve une buvette. Des voitures garées, dont l’une porte la mention “Service de collecte” et semble en panne et une autre qui porte “municipalité du Ksar” est également immobile. Six drapeaux sont levés à la porte intérieure, trois sur la droite et trois sur la gauche.
Le drapeau du milieu des trois diffère des deux. Il est blanc et porte des inscriptions que l’on ne peut pas voir, car il est ficelé sur la colonne avec une corde.
Une pancarte à l’entrée porte le slogan: “Nous sommes heureux de vous servir”.
A la mosquée, un cheikh digne dirige la prière du dhouhr à 14 h 30. Dans la buvette une femme prépare le thé et à côté d’elle il y’a un réfrigérateur où les employés mettent leurs boissons à refroidir.
Les gens entrent et sortent librement, sans gardes ni portiers, certains d’entre eux cherchent Thiam, ses amis le surnomment maire et lui s’en excuse avec tact, mais il mérite finalement le titre de maire, car tout d’abord, c’est l’un des principaux adjoints au maire et ensuite parce qu’il est actif, disponible, connaissant tous les dossiers et riche d’une expérience de plus de 20 ans dans la municipalité du Ksar..

À l’intérieur, sur la gauche, deux femmes préparent les certificats d’indigence, de ramatta.jpg, de logement, etc.
Sur le côté droit, les documents à stocker dans l’ordinateur sont traités par Ramata Abdoul-Wadoud, assistée par sa collègue Mariem.
La plupart des citoyens qui viennent à la municipalité cherchent ces documents.

  • 2 – Certificat de coutume

Ramata maîtrise parfaitement l’informatique et la langue française, connait les procédures applicables à tous ces 20 documents et les raisons pour lesquelles les citoyens les demandent, sauf un. Il s’agit d’un document sollicité par les Mauritaniens résidant en France, le « Certificat de coutume ». Nous ne lui connaissons pas d’équivalent en arabe. Le mot coutume peut signifier, culture, habitude, appartenance ethnique ou raciale pour les parents. Le document précise le rapport parents / ethnies présentes en Mauritanie (Beidan, Wolof, Pular et Soninké). Ce sont les Français seuls qui le demandent, on ne sait pas pourquoi.
Les Mauritaniens étant sensibles à la question de l’unité nationale sont très gênés par toute distinction raciale entre eux dans un document officiel.
Certains de ces documents sont signés par le maire pendant que d’autres sont délégués à la signature du maire adjoint.
Le maire signe le certificat de coutume mentionné ci-dessus et signe le parrainage, la correspondance du nom, le non-divorce, la maternité et la descendance.
L’adjoint au maire signe les certificats de vie individuelle et collective, de résidence, de logement, de non mariage, de pension alimentaire, de bonne conduite, de parenté, de chômage et d’indigence.
L’armée exige le certificat de non-mariage pour les nouvelles recrues et le certificat de pauvreté est requis de l’hôpital pour bénéficier de l’assurance maladie.

  • 3 – Carrés propres
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    A l’étage supérieur se trouvent les bureaux du maire Mohamed Salek Ould Oumar, du secrétaire général Abghari El Haj, et à côté d’eux celui de l’adjointe au maire, Fatma Mint Mohammed al-Kabir Ould Mayouf. La loi mauritanienne sur le genre exige que le premier adjoint au maire soit une femme.
    Mint El-Mayouf estime que la municipalité ne peut pas renoncer à ses responsabilités
    العمدة المساعدة فاطمة منت المعيوف
    العمدة المساعدة فاطمة منت المعيوف
    concernant la propreté urbaine, un point de vue partagé par le maire qui soutient les efforts visant à rendre aux municipalités cette prérogative confiée au Conseil régional après la dissolution de la communauté urbaine de Nouakchott. De nouvelles dispositions visent à impliquer la municipalité en lui confiant le suivi et la surveillance.
    Mint El-Mayouf estime que la surveillance n’est pas suffisante et que la municipalité devrait se charger entièrement de la question de la voirie. Le maire trouve que le droit de la commune à assurer la propreté est un droit à conquérir, et c’est ce qu’il vise en coordination avec les autres municipalités de Nouakchott.

“La municipalité divisera la province en quatre carrés propres” déclare Mint El Mayouf. “La semaine prochaine, nous commencerons à nettoyer et enlever les carcasses de voitures de la première zone. Après le nettoyage de ce premier carré allant du carrefour connu sous le nom de Ould Emah, au carrefour Chrif, au carrefour des citernes , au carrefour du marché, des gardes municipaux seront mis en place pour veiller à la propreté du carré, puis nous nous déplaçerons vers une autre zone, etc.”.

Boha Mint Aliat, elle aussi maire adjoint de la municipalité de Ksar, affirme que la _-55.jpg

commune s’engage avec force dans le processus en cours – processus de contrôle et de suivi – afin de remettre à la commune son droit de responsabilité sur la propreté ; car la première chose demandée par le citoyen à la commune c’est la propreté.

  • 4 – Esprit d’équipe

Le maire du Ksar est un jeune homme issu du milieu universitaire, qui a étudié à Fès et enseigne l’anglais à l’Université de Nouakchott.
Les conseillers municipaux l’ont élu maire à la place de de Mati Mint Hammadi après son élection à la tête de la Communauté urbaine de Nouakchott.
Alors, plus jeune maire de Mauritanie, Il a remporté les suffrages de tous les conseillers, y compris ceux de Tawasoul, le parti islamique d’opposition, bien qu’il était candidat de l’Union pour la République au pouvoir.
Il a été réélu au scrutin direct pour un deuxième mandat dont il a terminé sa première année à la tête d’un conseil municipal composé de 21 conseillers, dont sept du Front populaire.
Ould Amar déclare qu’il travaille en équipe avec les conseillers du Front populaire, comme il l’avait fait lors de son premier mandat avec les conseillers de Tawasoul qui avaient voté pour lui au moment de son élection à la mairie du Ksar.

  • 5 – Obstacle

Selon le maire, les obstacles auxquels sont confrontées les municipalités de Mauritanie, en général et du Ksar, en particulier sont liés à la question de la décentralisation, tirée de l’exemple de l’ancienne puissance coloniale par un processus de copier-coller ne tenant pas compte des spécificités nationales. Par ailleurs, les municipalités manquent cruellement de pouvoirs ; elles ne sont responsables ni de l’eau, ni de l’électricité, ni de l’assainissement ni même de la propreté et ne disposent pas d’un budget d’investissement pour la construction de grandes infrastructures, telles que les écoles, les dispensaires ou les terrains de sport. Selon la loi, lui son rôle est limité aux réparations mineures et à la maintenance de ces installations, à l’assistance aux personnes dans le besoin ou à l’organisation d’activités sportives et culturelles.
Les ressources matérielles et humaines de la commune du Ksar, qui, avec la municipalité de Tafragh Zeina, est considérée comme l’une des municipalités les plus riches, représentent environ 150 millions d’ anciennes ouguiyas par an, dont 90 millions sont versés pour les salaires de ses 72 employés, le reste étant consacré à des interventions en matière d’éducation, de santé, de sport, de culture et d’assistance sociale.
Nous avons unifié les portails des écoles – déclare le maire – et nous avons réhabilité le stade et le dispensaire connu sous le nom de Tab El Haj, nous les avons trouvés envahis par les eaux stagnantes, nous avons aussi de nombreuses activités dans le domaine sportif telles que l’organisation d’un championnat de football annuel et diverses activités culturelles ainsi que l’assistance aux personnes ayant des besoins spéciaux.

6 – Puits de Nouakchott
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Le maire de Ksar est fier que sa municipalité soit la plus ancienne de la ville de Nouakchott, avec la première mosquée, le premier dispensaire, le premier restaurant et le puits de Nouakchott sur lequel la ville a été fondée. Ce qui l’a encouragé à profiter d’un séjour au Maroc, lieu de ses études, pour signer un partenariat avec le conseil municipal de la ville antique de Fès. De nombreux membres du conseil municipal du Ksar ont bénéficié de formations à Fès grâce à ce partenariat.

  • 7 – Ambition
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    S’exprimant sur les réalisations de sa municipalité, Ould Amar a déclaré qu’il s’est d’abord attelé à mettre de l’ordre dans le foyer intérieur, régler les dettes et les arriérés de sept mois de salaire des travailleurs, compléter leurs formalités auprès de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et la Caisse de l’Assurance Maladie (CNAM).
    Le maire du Ksar estime que le chevauchement des pouvoirs avec les autorités urbaines était très pénalisant. Le Conseil urbain avait absorbé tous les pouvoirs et les ressources de la municipalité, mais la situation s’est améliorée avec les conseils régionaux qui sont actuellement plus indépendants des municipalités et dont les pouvoirs se chevauchent moins. Il espère une situation meilleure qui permettra d’élargir le champ d’action et d’élaborer des programmes plus ambitieux, d’autant plus que nous attendons, nous dit le maire, le retour de certaines ressources qui étaient destinées au Conseil urbain.
  • 8 – Visiteur international

Il se souvient lors de la séance de dialogue avec l’Agence Souhoufi Presse dans son bureau le jeudi 28 octobre 2019, qu’il a participé une fois au programme “Visiteur international” aux États-Unis parmi un groupe de maires, dont des maires africains. Et qu’il a davantage profité d’expériences similaires à celle de sa municipalité que de l’expérience américaine qui était le but de la visite.
Il fut surpris lorsque le maire de Medval, une banlieue de la capitale de l’Afrique du Sud, lui a dit que son budget était de 59 millions de dollars, mais il s’est rendu compte qu’il n’y avait rien de surprenant lorsqu’il a appris que les pouvoirs de la municipalité dans ce pays sont loin de ce que nous connaissons chez nous. Ils ont l’assainissement, l’éclairage, le dessalement des eaux, et les grandes installations. On les appelle là-bas gouvernements locaux, et nous ici, nous dit-il, on est pénalisés par la limitation des pouvoirs.

  • 9 – Taxe

Cependant, le maire reste la seule personne à ne pas pouvoir éviter les problèmes des citoyens, car il siège parmi eux, vit avec eux et le rencontrent à tout moment, contrairement au ministre, au député ou au membre du conseil régional. Les citoyens considèrent le maire comme la personne qu’ils ont choisie pour résoudre directement leurs problèmes, que ce soit pour l’eau, l’électricité, l’assainissement ou la sécurité. Le citoyen n’accepte pas que le maire soit incapable de retirer les ordures de la porte de sa maison, surtout si ce citoyen exerce une activité commerciale et paie une taxe à la municipalité quelle que soit sa valeur.
Les commerçants des marchés et des ateliers paient une taxe municipale allant de 1000 à 6000 ouguiyas, taxe qui est perçue par le service de la collecte, elle constitue la plus grande partie du budget.
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Boubacar, propriétaire d’un atelier de réparation d’automobiles à Socogim PS, déclare verser 2 000 Ouguiyas par mois à la municipalité du Ksar et que son collègue électricien qui partage l’atelier en verse également 2 000.
Le maire estime que le paiement de la taxe est un acte civil qui sensibilise le citoyen et que le système actuel devrait être révisé à la hausse.
Il est inconcevable, à son avis, que la taxe soit limitée à six mille anciennes ouguiyas. Il y’a des activités économiques importantes dont les propriétaires devraient payer davantage.

  • 10 – Stéréotype

Nous avions un stéréotype du maire et de la municipalité différent de celui trouvé après cette enquête sur la municipalité de Ksar.
Nous pensions que le maire de la ville en était le maître, qu’il contrôlait tout et qu’il était généralement un vieil homme, l’un des plus vieux politiciens, qu’il possédait tous les pouvoirs et administrait tous les équipements publics tels que les écoles, les dispensaires, les terrains de jeux, les maisons de jeunes, les marchés, les cimetières, etc. Qu’Il contrôlait aussi les transports, les marchés et la construction et nous l’avons trouvé un jeune homme instruit, vêtu de tenue de sport modeste, traitant les questions qui se posent avec une spontanéité et une simplicité si rares chez les hauts responsables. Un maire qui lutte pour obtenir au moins le minimum nécessaire de pouvoirs et de moyens pour sa commune.

  • 11 – Coffre-fort

Lors de la séance de dialogue qu’il nous a accordé dans son bureau, il a discuté de tout et nous a ouvert toutes les portes. Cependant, nous n’avons pas pu nous assurer de tous les faits ; les sources n’étaient pas concordantes sur certains points.
Des sources au sein de la municipalité prétendent que son budget est de 250 millions, d’autres affirment qu’il ne dépasse pas 70 millions. Quand il s’agit d’argent, les hommes se transforment en coffre-fort.
Nous avons constaté que la dette n’avait pas été totalement réglée et que le statut des travailleurs auprès de la sécurité sociale et l’assurance maladie n’est pas encore satisfaisant.
En ce qui concerne l’assurance maladie, les participations (4 000 ouguiyas) sont déduites du salaire des travailleurs depuis le début de l’année, mais jusqu’à présent, ils n’en ont pas bénéficié. En ce qui concerne la sécurité sociale, nous avons également constaté que des travailleurs à la retraite étaient privés de leurs droits en raison de ce qu’ils considèrent comme une accumulation de dette municipale auprès de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale.

  • 12 – Lumière

Nous avons également vérifié la validité d’autres questions mentionnées dans l’intervention du maire et de ses collaborateurs, telles que la construction unifiée des portails des écoles, la réhabilitation du dispensaire El Haj et du stade, un tournoi de football annuel, une semaine culturelle, ainsi que la rapidité de la délivrance des certificats et des documents demandés par les citoyens et que la question des eaux stagnantes ne sont plus à l’ordre du jour, dans le quaartier de Socogim PS.
Ce sont des points lumineux dans le bilan de la municipalité et nous avons cependant trouvé d’autres points plus sombres – tels que le cimetière de Ksar et les permis de construire – qui nécessitent un examen plus approfondi pour déterminer leur réalité.

  • 13 – Ombre
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    Nous avons constaté que les tombes étaient vendues à différents prix dans le cimetière du Ksar, bien que celui-ci soit officiellement fermé par l’autorité urbaine de Nouakchott. Une inscription sur la porte en langue française indique que l’autorisation d’inhumation était la prérogative seule du président.
    Nous avons trouvé des animaux errant sur les tombes en plein jour.
    Nous avons constaté un manque de clarté dans les informations sur les permis de construire. Des entrepreneurs prétendent que pour obtenir un permis de construire, ils sont contraints à payer la commune, la mougataa et la police. Et ils s’en plaignent.
    Nous avons vu « la cire rouge » : des hommes avec des chaînes et des serrures, accompagnés de policiers, nous pensons qu’ils partaient pour faire pression sur ceux qui retiendraient la taxe communale.
  • 14 – Retour
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Nous sommes revenus à la municipalité pour demander des éclaircissements sur les questions pour lesquelles nous avons senti des incertitudes telles que, le budget, le permis de construire, le cimetière et l’assurance sociale et maladie des travailleurs.
Le chef du département technique, Ali Ould Ballal, défend que l’inhumation dans le cimetière du Ksar est gratuite et nécessite uniquement un certificat de décès de l’hôpital, et que le permis de construire nécessite des documents de propriété, un plan certifié et une carte d’identité avec un montant qui varie de 10 à 50 mille ouguiyas selon la surface.
Le maire assure que toutes les dettes avaient été – par la grâce de Dieu -entièrement réglées, que les sommes allouées à l’assurance maladie avaient été versées et que le bénéfice effectif des travailleurs commencerait au début de l’année. Il a précisé que le budget initial pour 2019 est de 21 millions 282 mille et 181 Ouguiyas nouvelles.
Et la grande question qui reste posée est la suivante : la commune du Ksar et les autres municipalités de Nouakchott parviendront-elles à gagner la bataille du pouvoir et des prérogatives ? Ou au moins, le jeune maire réussira-t-il à arracher le droit de retirer les ordures, ne serait-ce que devant la porte de sa maison ?

Agence Souhoufi Presse

Dossier réalisé par :

Sid’Ahmed Ould Maouloud
Sidi Tayeb Ould Mougteba
Sidi Ould Mohamed Lemine
Ahmed Ould El Khaless

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