Kinross-Tasiast:“ L’or est de silence.’’

Kinross-Tasiast se fait, de plus en plus, parler d’elle. Source à la fois de fantasme chez les opérateurs économiques, les diplômés chômeurs mauritaniens, elle demeure un mystère impénétrable. L’or, le précieux, s’y extrait, en silence. Loin des regards indiscrets des Mauritaniens, qui n’arrivent à entrevoir de ce monde de la valeur sûre que des incertitudes. Des questions sans réponses.

Peut-être. Retour sur une mine présentée, dans un passé récent, comme l’une des plus importants gisements aurifères d’Afrique, voire du monde. Retour, surtout, sur une connexion de sociétés internationales, établies, en Mauritanie. Retour sur le mode opératoire, même, de Kinross-Tasiast :

Le directoire de Kinross-Tasiast est en conclave, depuis deux jours, aux Iles Canaries, Las-Palmas, où se trouve le siège du bureau régional du géant de l’or torontois. D’où se gèrent les mines aurifères du Ghana et celle de la Mauritanie, Kinross Tasiast. Cette dernière semblerait être au centre des discussions. L’ordre du jour porterait sur un certain nombre de points. Cette rencontre intervient dans une période cruciale de la vie la société aurifère, qui, rappelons-le, a connu, en janvier dernier une chute d’environ 20% de ses actions en bourse. Une contre performance dont les conséquences seront étalées au grand jour, dans la foulée de cette sortie canarienne.

On évoque déjà, pour annoncer la couleur, désormais, jaunasse, l’exigence des bailleurs de fonds d’alléger sensiblement les dépenses, en vue de rabaisser les coûts, surestimés, de production. Ce serait, l’occasion, peut-être, pour se prononcer sur le paiement de l’IMF, aux alentours de 1,25%, réclamé par la direction générale des impôts de Nouakchott. Le bureau régional s’emploierait nécessairement à concevoir un nouveau manuel de procédure en vue de mettre de l’ordre au sein d’une entreprise, dont les employés ne cessent de se plaindre de l’absence de procédures.

Kinross a mis la main sur la mine de Tasiast en 2010, auprès d’une autre société minière canadienne, Red Back Mining, pour un montant de 7,1 milliards de dollars. La chute des actions de Kinross, à la bourse de Toronto, au milieu du mois de janvier dernier, a amené la société à annoncer ‘’un report de quelques mois de la construction de sa mine Tasiast en Afrique et s’est dite s’attendre à une dépréciation liée à ce projet.’’ ‘’ ‘’Il lui faudrait une période d’analyse et de planification de six à neuf mois de plus afin de déterminer de quelle façon optimiser les charges d’exploitation du projet Tasiast tout en les réduisant, rapporte le journal canadien, La Presse.’’

Or, il se trouve qu’à cette date, Kinross était déjà bien partie dans son projet d’expansion de la mine de Tasiast. Pourtant, le projet d’expansion a été, au préalable, l’objet d’une étude de faisabilité qui a été, à deux reprises, jugée irréalisable, à la suite de deux contre-expertises, distinctes diligentées, par deux boites expertes. Néanmoins, le directeur exécutif du projet, à l’époque, Ken Thomas, tenait, visiblement, à engager la société dans ce qui s’avérera plus tard une aventure à la fois coûteuse et irréfléchie. Il sera, donc, limogé. Mais alors, Kinross était déjà lié, par des contrats de sous-traitance, dans le cadre des travaux d’expansion de son projet, avec une pléiade de sociétés étrangères.

Si le démarrage effectif des travaux de ce méga projet d’expansion, qui commandait la mise en place de deux usines en plus d’un ensemble d’infrastructures, n’est plus d’actualité, pas dans l’immédiat, en tout cas, Kinross n’est pas prête, pour autant, de se libérer des sociétés étrangères déjà installées sur le territoire mauritanien, venues, alors en perspectives d’une expansion remise, pour l’instant, aux calendes grecques.

  • Des sous-traitants en maltraitance…

Parmi les sociétés établies en Mauritanie et qui bénéficient, à tort, du même statut que Kinross-Tasiast parce que considérées, fallacieusement, ou par ignorance des autorités fiscales mauritaniennes, des démembrements de celle-ci, il y a d’abord Hatch ; un bureau d’étude canadien dont la mission est l’étude et le suivi de l’expansion du projet.

Il y a une foule de sociétés étrangères liées avec Kinross-Tasiast par des contrats d’exécution, dans le cadre de l’expansion du projet. La plus importante est Consolidated Contractors Company, CCC, une compagnie de construction, arabe, propriété d’un palestinien du Liban, basée en Grèce. Elle est en charge de l’exécution du Génie Civil du projet. Construire l’usine relative à l’expansion du projet, pour un montant d’un milliard de dollars.

La construction de l’usine étant mise en veilleuse, CCC s’est vue attribuée, gracieusement, de quoi mettre sous les dents, en attendant des jours meilleurs, les prestations qui devaient revenir à des sociétés mauritaniennes. Elle prend en charge désormais la construction de l’aéroport de Tasiast, la route en asphalte reliant le site à la route de Nouakchott-Nouadhibou, ainsi que les travaux y afférente, en plus de la construction d’un pipeline pour l’alimentation d’eau douce à partir de Nouadhibou. Pour ce faire, elle emploie 110 expatriés dont on ne saurait compter un seul cadre mauritanien. ‘’Aux mauritaniens, on réserve uniquement la main d’œuvre, employant, à peu près 300 ouvriers, dont les 5/6 sont issus, quasiment du même ensemble tribal, souligne un ouvrier.’’ ‘’ Allez-y demander à la direction des ressources humaines de Kinross qui a un droit de regard, sur tout, elle saura répondre, lance un jeune manœuvre.’’

Ensuite, il y a DORCE, une société Turque, basée à Ankara, en charge de la construction du préfabriqué du camp, environs 7000 chambres, pour un montant de cent millions de dollars. Elle emploie 500 expatriés, 600 employés locaux, dont 80% s’occupant des petits métiers.
Puis, arrive le tour de FriedLander, une société française, spécialisée en tuyauterie, dont la mission se limite à la construction d’un pipeline à partir de la mer, alimentant l’usine, en eau pour nettoyer l’or extrait. Elle emploie 50 expatriés, en plus d’un effectif de manœuvres dont 70% sont originaires de l’Afrique noire.

La quatrième société parmi les plus importantes. C.I.S, une société de catering, opérant, en Mauritanie, sous le nom de C.N.A, chargée de la restauration, pour onze millions de dollars. C.I.S, ou C.N.A, fait travailler 30 expatriés, en plus de 400 mauritaniens, sans contrats, travaillant 12 heures par jour, pour toucher à la fin du mois le modique traitement de 70 mille ouguiyas, ne bénéficiant, au passage, pas du paiement des heures supplémentaires, rappelle un ouvrier.’’ Il y a bien sûr d’autres sociétés étrangères, moins visibles, opérantes, en catimini, ou presque, méconnues du fisc mauritanien, apparaissant bel et bien sur le tableau de bord au sein des clients de Kinross-Tasiast.

‘’La mauritanisation des emplois ne concerne visiblement pas ces sociétés prestataires, ironise un ouvrier.’’ Ici, on ruse avec le fisc, avec la direction du travail avec l’inspection du travail, on travaille au noir au presque, conclut un chef d’équipe d’ouvriers.’’

‘’ La tricherie est bien installée, ici, révèle, un civiliste mauritanien. Les salaires des expatriés, par exemple, au niveau de toutes ces sociétés prestataires, sont minorés auprès du fisc mauritanien.’’ Quant aux salaires des expatriés travaillant à Kinross-Tasiast, ce qu’on appelle, ici, Opération, ils sont tout simplement gérés, à, partir du bureau régional, à Las- Palmas, s’indigne un autre ingénieur mauritanien.’’ Kinross- Tasiast est tout simplement une grosse arnaque.’’ ‘’ Les pouvoirs publics, quel que soit le niveau d’engagement à vouloir imposer, sincèrement, une transparence au sein de ‘’cette officine d’intérêt’’, surenchérit un technicien, n’y arriveront, jamais.’’

  • Officine intérêt connexion…

A Kinross-Tasiast on ramène tous les maux dont souffrent les employés et qui rendent le climat de travail délétère, dégageant de forts relents de roussi à l’équipe des Opérations. ‘’ Cancer Team !’’ Comme on le nomme ici. ‘’L’équipe dont le mode opératoire gangrène à la mort Kinross-Tasiast, souligne un connaisseur des lieux.’’

‘’Une équipe qui visiblement est connue pour avoir un passé peu orthodoxe au sein du groupe Kinross, indique un expatrié.’’ ‘’ La même équipe qui a mis en banqueroute le projet de mine Kinross au Madagascar, avec deux années de retard.’’ ‘’ Les rôles au sein de cette équipe cancérigène sont bien répartis, souligne-t-on.’’

‘’En commençant par le Vice-Président régional, Patrick Hikky. Lui, c’est la manipulation, le lobbying politique, en passant par Guy de Grand-Près, le directeur régional des ressources humaines, spécialisé dans les pots-de-vin et bakchichs, corruption dans le domaine du travail, affirme, sans hésitation, un expatrié européen.’’

‘’ Il faut dire que ce groupe de choc, s’est appuyé, pour imposer son diktat à Tasiast sur une expertise locale, nommée, récemment, directeur des ressources humaines. Un spécialiste du droit de travail. Il s’y connait vraiment, dans les lois régissant le travail en Mauritanie. Et, focalise son action, au sein de Tasiast sur les parades et stratégies imparables qui réduisent et anéantissent toute revendication, dans ce domaine, indique un cadre mauritanien.’’ ‘’ Les autres priorités d’une direction dignes des ressources humaines, notamment, la formation sont remises, forcément, on l’imagine bien, note un ingénieur BTP mauritanien, dans pareilles conditions, à la Saint-Glinglin.’’

‘’ Cancer Team espère compter sur une alliée de taille en son sein. Patricia Mello, une colombienne, qui gère le centre de recrutement, au sein de Kinross-Tasiast, indique une autre source locale.’’ Elle s’essaie, c’est vrai, mais, en apparence, de faire jouer la transparence, en rendant public les annonces de recrutement. Mais, Patricia a, finalement, ses petites préférences mauritaniennes, lance d’une manière sarcastique un mauritanien.’’

‘’ La gangrène s’étend sur toutes les articulations de Kinross- Tasiast, tous les centres d’intérêts.’’ Même les relations avec les Communautés autochtones de la zone de Tasiast ne sont pas oubliées par l’équipe de choc, confie un originaire de ces contrées.’’ Fabiana, Responsable de la Relation communautaire, forte d’une relation particulière avec le Vice-président Directeur Régional, elle fait la pluie, pas trop quand même, et le beau temps, encore mois, s’indigne un autre autochtone.’’

‘’On peut bien se demander comment une expatriée puisse entretenir une relation de confiance, fiable, avec des communautés dont elle ne saurait piger grand-chose, ni de leur culture, ni de leur histoire, encore moins de leur soucis les plus quotidiens ? ‘’ Tout simplement ridicule et absurde, sermonne un activiste d’une ONG locale.’’

  • La lutte contre la corruption, serait-elle passée par là ?…

Le président de la République ne cesse de crier, entre monts et vals, son engagement inébranlable pour la lutte contre la gabegie. On ne sait pas vraiment, lui, qui a une passion avérée, dans la mise à nu des combines dans la sphère des affaires, s’il a une connaissance réelle de l’univers quelque peu obscur de Kinross-Tasiast ? Ce qui est sûr, est qu’il a accordé une audience au premier responsable de Kinross. Mohamed Ould Abdel Aziz aurait clairement dit à cet interlocuteur torontois qu’il est inconcevable pour le premier citoyen d’un pays, quel que soit, par ailleurs, le degré de son antinationalisme, de se contenter des ‘’misérables’’ royalties, telles celles accordées par le géant de l’or canadien à la Mauritanie, aux alentours de 3%. Mais, le président de la République aurait, tout au moins, exprimé, au cours de cette rencontre, à son hôte canadien, qu’il est, par principe, contre toute forme de nationalisation. On ne sait pas plus.

Mais, on sait une chose, par la suite. Quelques temps après cette rencontre, des proches ‘’cousins’’ de l’actuel président ont débarqué, dans des postes relativement importants, au sein de la société minière. On espérait, peut-être, que ces hommes du ‘’Président’’ sauraient servir de garde-fou, et informer l’Etat sur le mode de gestion de la société canadienne.

Certains connaisseurs du monde Kinross-Tasiast pensent que le verrouillage et le mode opératoire sont si hermétiques, si bien négociés, qu’ils échappent à toute personne qui n’y serait pas, effectivement, impliquée ou associée.

Une chroniqueuse de notre journal avait titré, il y a quelques mois, l’une de ses rubriques hebdomadaires, par un titre qui semble bien révélateur. Kinross-Tasiast : L’or est de silence. En modifiant l’aphorisme établi, ‘’le silence est d’or’’. On le reprend. En effet, cet aphorisme relooké.

Abdelvetah Ould Mohamed

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