L’homme civilisé

L’autre jour, j’écoutais une conférence de Debré à la radio. Il parlait de religion, de croyance, d’idéologie, d’intégrismes, etc… Il prononça une expression : « homme civilisé ». C’est d’ailleurs une expression qui est couramment utilisée à l’écrit comme à l’oral. Une expression normale. Mais à y regarder de plus près, je me suis dit que c’est peut-être un pléonasme car tous les hommes sont civilisés. Ne constitue-t-elle pas une forme soft d’une ancienne façon de voir le monde qui a produit le concept de « mission civilisatrice » avec les conséquences que l’on sait et qui n’était, de toute façon, pas « civilisées ». Mais « les missions civilisatrices », leur effet était circonscrit dans le temps et dans l’espace car elles concernaient un territoire donné, dans une période donnée : quelques exactions ici, d’autres par-là. Très grave diriez-vous et vous avez raison mais ça prenait fin et on pouvait tracer les limites humaines, géographiques et historiques de leur effet. Par contre des mots qu’on utilise, parfois sans y prêter attention peuvent être beaucoup plus dévastateurs, avec un effet qui n’a pas de limites ni dans le temps, ni dans l’espace en tous cas sur notre planète. « Homme civilisé » suppose qu’il y’en ait qui ne le soient pas. Il doit y avoir un cercle taillé sur mesure pour accommoder tous les « hommes civilisés ». Et alors, les autres qui pourraient se compter par centaines de millions d’individus, ils sont logés où ? Ils sont quoi ? N’y a –t-il pas là une violence symbolique, comme dirait Bourdieu, mais qui est d’un ordre et d’une ampleur beaucoup plus grands, beaucoup plus dévastateurs que celle qui s’exerce au quotidien à l’intérieur d’une seule société ? Car, cette violence-là, elle s’exerce à un niveau global. Le langage qu’on utilise dans les médias, dans les cercles politiques -sur la place publique, pour ne pas parler des espaces privés- entre intellectuels « civilisés », c’est-à-dire souvent ceux de pays, eux-mêmes, « civilisés » ne véhicule-t-il pas parfois, consciemment ou inconsciemment, les soubassements d’une pensée de légitimation de la violence tout court contre tous ceux qui ne seraient pas civilisés, « les barbares » en amont et en l’aval ? A méditer.

Ambassadeur Mohamed Salem Ould Maouloud

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